vendredi 17 août 2012

Tchekhov au fil de l'eau.


L’escale culturelle à Niderviller de la troupe « Notre cairn » à bord de sa péniche théâtre a
réjoui les spectateurs venus nombreux assister à la représentation d’une pièce d’Anton
Tchekhov.

Un décor sordide, des personnages troublants, il n’en fallait pas plus pour intriguer le public venu
nombreux ce soir-là.

Ils sont douze comédiens issus pour la plupart de la prestigieuse école du Théâtre National de Strasbourg à se donner la réplique dans Sur la Grand-route de l’écrivain russe Anton Tchekhov. « Lorsque cette pièce fut écrite, le Tsar la fit censurer compte tenu des moeurs de l’époque. Elle était jugée sombre et sordide ! On ne pouvait admettre qu’un aristocrate même ruiné se mêlât dans cette assemblée de bons et de méchants, de croyants, de beaux parleurs ou de muets mystérieux » confie Charles Zévaco le directeur artistique.
Pourtant ce soir dans la cale du bateau, unique endroit ou se croisent artistes et spectateurs, le scénario imaginé par l’auteur aura captivé sans choquer les esprits du XXIe siècle.


Originalité, authenticité et convivialité


La première originalité de ce « théâtre flottant » réside dans la recherche du renouement avec la tradition des compagnies itinérantes et d’amener le spectacle à la ruralité. C’est avec la complicité de Mireille Larroche la directrice de « La Péniche Opéra » à Paris, que les représentations au fil de l’eau ont pu voir le jour. L’Est de la France bénéficiant d’un réseau de canaux dont celui de la Marne au Rhin, il s’est avéré possible de traverser la Lorraine et l’Alsace de village en village.
La seconde originalité touche à la représentation elle-même qui se déroule en un seul espace avec des comédiens qui s’adressent indirectement au public, amenant ce dernier à endosser malgré lui, le costume d’un des personnages de Tchekhov abrité dans le cabaret de Tikhone Evstignéev.
L’interprétation magistrale de Sur la Grand-route par cette troupe de jeunes artistes sortis de l’école du TNS en juin dernier confère à la pièce toute son authenticité en respectant l’esprit et la lettre de l’écrivain russe. Une réunion d’infortunés vivant lentement, avec précision et lenteur devant les spectateurs aurait ravi l’auteur.
Le spectacle s’achève mais la soirée n’est pas terminée. Le directeur et sa petite troupe convient
l’assistance à venir échanger sur Tchekhov, lui qui fut toujours sensible à la misère d’autrui. Ils ont pu ainsi, hors des masques de l’acteur, montrer comment il est possible de transmettre les regrets et les espoirs d’une certaine humanité à la recherche d’elle-même.


Des projets


Les premières représentations laissent augurer d’un succès de la tournée estivale de « Notre cairn ». Le théâtre sur l’eau aura été cette année le moyen de réaliser la démarche de ce projet artistique voulu par cette bande de copains.
« Après nous continuerons ! Le collectif Notre cairn porte en lui une diversité de forces et d’énergies,
telles qu’elles ne cesseront de chercher à s’exprimer. Demeure cependant la nécessité d’un espace des possibles, pour une survivance de l’aventure poétique » conclut plein d’espoir Charles Zévaco, paré à larguer les amarres.


Alain Jouanneau, pour le Républicain Lorrain.







Avec le jeune collectif Notre Cairn, une rare et courte pièce d’Anton Tchekhov navigue
sur une péniche-théâtre ce mois d’août. Il reste huit étapes, dont Steinbourg aujourd’hui.

Adélaïde, c’est le nom de ce théâtre flottant. Le rejoindre est déjà en soit une aventure. À quelques minutes de l’une des trois représentations strasbourgeoise, le public patiente sur les berges ou le pont. Charles Zévaco, le metteur en scène, s’affaire à la billetterie, les comédiens s’échauffent.
En Alsace jusqu’au 2 septembre Le collectif Notre Cairn, dont Sur la grand-route, pièce en un acte de Tchekhov, est la première création, avance depuis le 3 août sur les canaux d’Alsace et de Moselle avec un esprit de troupe palpable sur scène.
Ces élèves diplômés de l’école du TNS ont longuement travaillé cette création qui arrive aboutie dans des localités que ce théâtre ne touche pas toujours.
La péniche conduite par un vrai marinier porte dans sa cale le plateau. La cinquantaine de spectateurs prend place sur deux rangées de bancs de bois blancs, les mêmes que ceux des comédiens qui leur font face à deux petits mètres.
La scénographie d’Anne Lezervant coupe l’embarcation dans le sens de la longueur. Cet étroit dispositif va parfaitement avec le sujet : les personnages, coincés par un orage dans une auberge miteuse, tanguent intérieurement comme sur un radeau en perdition dans la tempête.
Charles Zévaco laisse longtemps ses comédiens silencieux, longue entrée en matière dans laquelle glisse le spectateur pour les rejoindre.


Un condensé de l’âme russe


Dans ce huis clos, tout est à vue et sur un même plan, dans une lueur blafarde, maladive. Il y a là l’insensible tenancier de l’auberge, un religieux souffrant, sa gentille bonne, l’ouvrier simple d’une briqueterie voisine, un homme mystérieux sans le sou qui se damnerait pour une goutte de vodka, un vagabond diabolique et cruel. La pauvre assemblée réunie par le dramaturge incarne ce qu’on pourrait appeler l’âme russe.
Les comédiens restituent avec talent ce qui fonde les personnages : soumission à la loi du plus fort, superstition, lutte sourde du bien contre le mal avec avantage au second, l’homme de Dieu n’est-il pas sur le point de rendre l’âme ?
Et puis, quand le dessein de Tchekhov se précise – il y a du suspens – les acteurs rendent encore avec justesse l’instinctif et unanime respect que suscite la déchéance consentie de l’homme qui avait tout.
À l’image des mots du grand Tchekhov, qui s’y entend pour dans ses plus sombres entreprises laisser aussi entrer le rire, la mise en scène de prime abord monolithique se révèle toute en nuances.


Myriam Ait-Sidhoum, pour les Dernières Nouvelles d'Alsace.

1 commentaire:

  1. Belle récompense ou récolte de votre travail a toutes et tous , Bravo et

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